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Irréconciliables sur l’A31bis, les participants à la réunion publique de Florange sont pourtant d’accord sur l’essentiel

Dans le cadre du processus de concertation du projet d’A31bis se tenait, ce lundi 10 janvier 2023 à Florange, une réunion publique particulière, établie sous forme d’atelier où le public, plutôt que d’écouter des explications et d’exprimer oralement un avis à la fin, était amené à apporter sa propre analyse face aux critères de choix pour les 4 variantes “finalistes” en présence.

La réunion de travail, qui s’est déroulée dans le calme, était organisée comme toutes les autres depuis le début du processus, par la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement), dont la mission est de fournir au préfet de la Moselle une analyse technique des différents scénarios, mais aussi une synthèse des avis et des perceptions exprimées par les participants, qu’ils soient venus à ces réunions, où qu’ils se soient exprimés via le site web du projet.

S’exprimer pour influencer la décision

Objectif de l’exercice de cette soirée qui a mobilisé une centaine de personnes réparties en groupes de travail sur une dizaine de tables pendant plus de 2h30 : analyser les critères discriminants fournis par la DREAL (présente afin de répondre aux questions de détail) pour déterminer un ordre hiérarchique de ces critères et en déduire, table par table, quel était le tracé qui semblait être le moins impactant, pour ne pas dire le moins pire, parmi les 4 variantes proposées.

Hervé VANLAER, le directeur de la DREAL Grand Est explique l’exercice à notre micro :

Un constat a été exprimé d’emblée : dans tous les cas, chaque variante apporte son lot d’avantages et d’inconvénients. Aucune ne peut éviter totalement les nuisances, pendant ou après les travaux. Logique quand on considère qu’il s’agit d’implanter une infrastructure d’envergure sur un territoire qui s’est développé avec le temps en termes d’habitation, d’emprise de sociétés, mais aussi de paysages et de faune. Il n’existe donc pas de scénario miracle.

Les groupes étaient composés de personnes aux avis partagés. Se retrouvaient à la même table les “lobbys” des “pour” et celui, majoritaire, des “contre”. Ainsi, les représentants des collectifs ou d’élus écologistes militant pour l’abandon du projet ont été amenés à travailler avec d’autres élus défendant leur points de vue sur les tracés, ou encore des représentants du monde économique et de celui du BTP. Des habitants concernés directement, mais peut-être un peu moins en masse, venaient compléter l’ensemble.

Une composition qui n’a rien d’anormal dans ce type d’exercice d’expression.

Des restitutions pour un exercice en partie manqué

Avantage : les participants connaissaient bien le projet. Inconvénient : ils connaissaient aussi bien leurs arguments et ceux du “camp” opposé. Un élément positif est qu’ils ont pu les échanger dans le cadre d’une réunion de travail et pas au cours d’interpellations ou d’invectives sans dialogue, c’est aussi cela que l’on pourra retenir de cet exercice en atelier, même si cela peut ressembler à un dialogue de sourds. Quoi qu’il en soit, chaque table a livré une synthèse unique, et toutes ont exprimé une opposition à peine nuancée au projet d’A31bis dans leurs restitution.

L’un des participants, désigné en toute connaissance de cause par sa table “malgré” son statut professionnel de Président de la Fédération des Travaux Publics de Lorraine (Thierry LEDRICH), pour être le rapporteur des travaux du groupe, nous explique l’exercice, et les conclusions :

Au moment de la restitution, chaque table s’est exprimée. De façon quasi intégrale, et logiquement au vu de la composition de l’assemblée, les rapporteurs ont aligné des arguments contre le projet. Une restitution en partie hors sujet quand on considère l’objectif (lire plus haut) fixé, et connu de tous, pour cet exercice, et ce malgré une disponibilité de la DREAL pour répondre aux questions des groupes, et une surveillance de garants indépendants.

A la question de fixer une hiérarchie de critères sur la base des éléments transmis, et d’en déduire un ordre de préférence parmi les 4 variantes (y compris du moins pire au pire), les participants ont préféré répéter un message d’opposition ne leur permettant pas d’influencer un choix qui pourrait néanmoins se faire au final lorsqu’il faudra trancher.

Des avis clairs et pragmatiques dans les deux camps

Malgré le quasi hors sujet au regard de l’exercice lui-même, un certain nombre de remarques ont été faite afin de pointer du doigt des éléments peu ou pas encore pris en compte par la DREAL dans son analyse. L’organisme devra impérativement apporter une réponse lorsque cela est nécessaire, et dans tous les cas préciser les points au moment de rendre son propre rapport. Sur ce plan, l’apport des participant ressort en positif.

Car tout, et de loin, n’est pas à jeter parmi les remontées. Sur l’expression des avis, les messages ont été assez clairs.

Du côté des personnes opposées au projet, on réclame un 5ème scénario, celui de l’abandon au profit exclusif de solutions alternatives à l’A31bis :

“A la vue des contraintes imposées par chaque tracé, il semble qu’il n’y ait que des mauvaises solutions pour l’environnement, la santé et l’humain en général pour ne parler que de ces critères.

C’est comme si on nous demandait si on préférait se faire couper le bras à la hache, à la tronçonneuse ou avec un couteau à pain, la douleur est identique, et le résultat aussi. Mais on ne nous propose pas de scénario où on ne nous coupe pas le bras !

On ne peut pas dès lors, dire quel scénario remporte le prix des critères les moins impactants, de notre point de vue ils sont tous mauvais, surtout que le 5ème scénario [NDLR : lire plus bas] que nous réclamons n’est pas étudié en profondeur comme le sont les 4 variantes. Dès lors, comment voulez-vous que l’on décide ?”

Un participant de la réunion publique organisée à Florange le 09 janvier 2023

Une des participante résume autrement la situation : “si on désigne un ordre de préférence, c’est qu’en partie on donne un accord de la population qui donnera des clés au ministère pour prendre une décision parmi les variantes, or on ne veut pas de ce projet, on ne peut donc pas faire différemment.”

Du côté des “pour”, on résume la situation ainsi :

“On a besoin aussi de cette solution pour absorber les mobilités routières qui saturent déjà l’A31. Ce n’est pas un moyen exclusif, c’est juste un des moyens d’absorber les flux Nord /Sud. Le développement du train sur cet axe est déjà lancé, il aura pas plus de capacité que ce qu’il atteindra avant 2030, en raison de la configuration de la gare de Luxembourg notamment qui ne peut plus s’agrandir, donc on pas le choix il faut un tracé, on est là pour trouver le moins pire.

Ce qui me consterne, c’est que les citoyens du “contre” de ce soir veulent l’infrastructure et des accès privilégiés ou garantis à celle-ci pour en profiter aussi, ils veulent bénéficier de l’attractivité qu’elle apporterait, mais sans en payer le prix en refusant le péage, ni subir la moindre conséquence pour sa construction ou après sa remise en service, et encore moins payer plus d’impôts. En résumé, ils proposent une impasse.”

Un participant du “pour”

Au détour des échanges avec les deux camps, on peut trouver un avis néanmoins partagé ou compris par les deux camps : le problème du non, c’est qu’il ne règle rien au problème, car au final, l’argent que ceux qui s’opposent à l’A31bis souhaiteraient voir mis sur la table pour investir dans des solutions alternatives n’existe pas. En effet, quel que soit le tracé retenu, c’est le privé qui payera la note, d’où le péage de cette section de contournement. Or, les solutions alternatives, elles, seraient financées par la collectivité et donc les impôts, mais ce budget n’est pas fléché à hauteur des mêmes sommes.

Jean-Michel STIEVENARD, l’un des garants, a d’ailleurs été clair sur ce sujet : “d’autres solutions (alternatives) seront étudiées en profondeur uniquement si aucun des 4 scénarios en présence n’est retenu par le ministère”. Son alter ego, Luc MARTIN, en dit plus à notre micro :

Irréconciliables, mais en bonne partie d’accord

A priori, les “pour” et les “contre” ne tomberont pas d’accord sur l’A31bis, notamment parce qu’ils s’opposent souvent des arguments qui ne sont pas sur le même plan ou qui ne s’appuient pas sur le même raisonnement.

Mais un point au moins aura tout de même fait consensus : il faut continuer à avancer sur un faisceau de solutions alternatives, car tous les participants sont conscients que l’A31bis ne réglera pas à elle seule la thrombose du trafic sur l’axe Nord / Sud.

Chaque solution alternative va absorber sa part de trafic, ou le décaler à d’autres horaires moins denses. C’est l’ensemble des solutions cumulées, le fameux faisceau, qui permettra d’améliorer la situation, de faire diminuer l’impact en gaz à effet de serre (lors de l’exploitation, pas pendant la construction) en fluidifiant le trafic, et donc les impacts sur la santé des habitants riverains de l’infrastructure, sans compter celui sur le stress quotidiens des frontaliers, qui eux ne vivent peut-être pas à coté de l’autoroute, mais l’empruntent tous les jours faute de mieux.

Dès lors, si l’on masque la pierre d’achoppement que constitue l’A31bis et que l’on sait que l’évolution de l’offre ferroviaire (déjà lancée) va trouver ses limites, ce qui apparaît en creux, c’est le manque d’investissement, de poids et de décision politique dans les solutions alternatives liées aux mobilités, et liées à la facilitation tous azimuts de limiter l’obligation de se déplacer en masse aux mêmes plages horaires : fiscalité sur le télétravail, P+R (parkings + relais bus) partout, décalage des heures de travail (lire notre article sur le S-hub ici), extensions supplémentaire des capacités du rail, coordination pour une seconde gare au Luxembourg, spécialement dédiée aux voyageurs vers Kirchberg… Les idées sont nombreuses, toutes n’ont pas encore été trouvées.

Sur tous ces points, les deux camps se rejoignent. Et c’est donc sur l’essentiel qu’ils sont en accord, sauf à considérer que l’A31bis constituerait la solution unique et ultime à la résolution de l’entièreté du problème… ce sur quoi ils s’entendent également pour dire qu’il n’en est rien.

Lors du dévoilement de sa décision, le ministère des transport français, dénommé “Ministère de la Transition écologique, chargé des Transports” aurait tout à gagner à lier l’A31bis, financée par le privé, à un budget d’Etat dédié à l’étude et à la mise en œuvre de solutions alternatives, chargées de “s’occuper” de la part de trafic qui ne sera pas absorbable par les infrastructures existantes ou lancées. Peut-être pas de quoi réconcilier les oppositions pour ce contournement, mais peut-être de quoi de les amener à travailler ensemble à des solutions qui concernent, chaque jour, des dizaines de milliers de frontaliers et de chauffeurs routiers en plus des riverains.

Il reste encore plusieurs réunions et une visite de terrain avant la réunion de synthèse (lire notre article sur les dates ici), dont les conclusions seront remises au préfet à destination du ministère des transports qui prendra, au final, la décision.

Les photos de la soirée du 09 janvier 2023 à Florange

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